Interview
: Pierre Salviac
L.S
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La
Coupe d’Europe de rugby, au niveau des clubs, semble moins
spectaculaire, plus linéaire dans son déroulement
alors que le Super Twelve apparaît comme une compétition
plus enlevée, plus équilibrée. Qu’en
pensez-vous ? |
P.S. |
Le
Super Twelve est déjà un système professionnel
à l’américaine avec pas de descentes, pas
de montées, un arbitrage plutôt business pour privilégier
le spectacle à la télévision. La Coupe d’Europe
reste encore un événement traditionnel avec des
montées, des descentes, où l’enjeu prime sur
le jeu, donc on ne peut pas comparer deux compétitions
qui n’ont en commun que le rugby mais dans la finalité
sont des produits complètement différents. L’un
est un produit marketing, celui de l’hémisphère
Sud, l’autre est un produit sportif, c’est l’hémisphère
Nord. |
L.S |
On
espère tous que la France ira conquérir le titre
de Champion du Monde en Australie au mois d’octobre 2003.
Les Français sont de sérieux outsiders ou de véritables
prétendants ? |
P.S. |
Les
Français ont déjà un atout, c’est que
comme les Néo-Zélandais, les Australiens et mieux
que les Anglais, ils sont allés deux fois en finale. La
différence avec les Australiens, c’est qu’ils
sont allés deux fois en finale, les Français deux
et les Australiens ont gagné deux fois, les Français
deux fois. La différence avec les Néo-zélandais,
c’est qu’ils ont gagné une fois et perdu une
fois. Je pense qu’on restera dans cette logique là.
A savoir que la France peut espérer un podium mais le moment
n’est pas encore venu d’espérer la médaille
d’or tant qu’on n’aura pas compris ce problème
de buteur encore une fois, qui est un problème culturel
et qu’on ne va pas à la Coupe du Monde pour la gagner
tant qu’on n’a pas un buteur à 100%. |
L.S |
Quel
est le joueur Français qui vous impressionne le plus actuellement
? |
P.S. |
Celui
qui donne l’impression d’avoir un talent à
la Blanco, c’est le petit Clément Poitrenaud à
l’arrière. Je ne sais pas si je peux dire qu’il
y a un joueur qui m’impressionne plus qu’un autre.
Aujourd’hui, ils sont fondus dans un système, les
personnalités tardent à se révéler.
C’est tellement vrai que Galthié, qui est une personnalité
incontestable et Dieu sait si c’est une personnalité
attachante, ne sait révéler qu’il y a deux
ans, après onze ans d’équipe de France. Si
on veut me faire dire qu’il y a encore des Rives et des
Blanco, je dis non. D’ailleurs, ce n’est pas pour
un rien si Rives fait un chapitre entier dans mon livre, c’est
parce que c’est un mec qui était plus qu’un
joueur de rugby, c’était un artiste. L’artiste
s’exprime sur le terrain et en dehors, et Rives a dit des
choses aussi belles sur le rugby en dehors du terrain qu’il
en a faites sur le terrain. |
L.S |
Au
niveau international, il y a un joueur au dessus de la mêlée
en ce moment ? |
P.S. |
Il
y a un robot qui s’appelle Wilkinson. Il y a des joueurs
talentueux, dans toutes les Nations…Poitrenaud peut en faire
partie s’il confirme. Un joueur au-dessus des autres…par
le talent et uniquement le talent…il n’y a pas de
Campese, pas de Blanco mais effectivement il y a un robot et on
est passé de l’ère du rugby poète à
l’ère du rugby professionnel ce qui engendre les
robots et de ce point de vue là, Wilkinson est un bon robot. |
L.S |
Que
vous inspire l’affaire de Villiers ? |
P.S. |
Rien.
C’est sa vie privée, ça ne me choque pas.
Ce qui me choque, c’est la façon dont les médias
accusent ou laissent accuser quelqu’un sans preuves. Il
suffit qu’un média, ne respectant pas en plus les
règles de confidentialité, révèle
une information qui n’aurait même pas du être
connue, pour que la présomption de culpabilité l’emporte
sur la présomption d’innocence. Je ne sais pas si
de Villiers peut être fier de lui aujourd’hui, mais
dans le cas de de Villiers, la façon dont son cas a été
traité par la presse, je ne suis pas tout à fait
fier de mon métier. |
L.S |
Sur
un plan plus personnel, comment vous vous préparez à
l’approche de cette Coupe du Monde puisque France 2 va le
retransmettre ? D’ailleurs, on a appris que France 2 allait
retransmettre les tests matchs, le rugby va prendre une place
plus importante sur le service public… |
P.S. |
Non,
pas plus, pas moins. On a seulement rappelé que c’est
la télévision publique qui a fait le rugby, Couderc
venait de la télévision publique ; la télévision
publique n’a jamais rompu avec le rugby et avec l’équipe
de France. Les rares fois que France Télévisions
a rompu avec l’équipe de France, c’est les
trois fois que France Télévisions a perdu la Coupe
du Monde mais la Coupe du Monde est un événement
tous les quatre ans ; autrement le Tournoi a toujours été
sur France Télévisions donc l’outil référentiel
de propagande du rugby, c’est France Télévisions.
Je pense que la chance ou le bon goût de la Fédération
Française de Rugby, c’est d’avoir compris que,
quand elle est courtisée par un réseau qui peut
exposer l’image du rugby sur France 2, France 3 et France
3 régions, il ne fallait pas s’en passer et passer
à côté donc je ne peux que me louer de la
fidélité de la Fédération Française
de Rugby à France Télévisions. |
L.S |
Vous
recommencez à zéro. Pour quel autre sport auriez
vous montrer la même passion, le même enthousiasme
? |
P.S. |
Cyclisme.
Sans problème. Et si je devais faire un jour un bouquin
de citations à propos du cyclisme, je ne sais pas si j’aurais
de quoi en faire un livre mais ce que je sais, c’est dans
le cyclisme que j’ai trouvé des expressions ou des
citations qui m’auraient donné envie de faire ce
livre ; je me rappelle d’une formule de Durand qui était
un petit coureur, équipier à l’époque
d’Eddy Merckx et qui disait : « Quand Merckx franchit
les sommets de cols, les blés sont encore verts. Quand
je passe le sommet, les blés sont déjà fauchés
». Je pense que c’est dans le milieu du cyclisme qu’on
trouve peut-être des auteurs comparables à ceux du
rugby pour en faire un beau bouquin de citations. |
L.S |
Si
vous aviez un message à adresser aux amateurs de rugby,
quel serait-il |
P.S. |
Qu’ont-ils
fait de notre rugby ? |
L.S
|
Avec
votre parcours, votre expérience, quels conseils donneriez-vous
à un jeune qui souhaite devenir journaliste sportif ? |
P.S. |
Je
lui dirais qu’il arrive au mauvais moment ; au moment où
on n’a plus accès aux champions. Au moment où
il faut passer par des interfaces que sont les attachés
de presse qui ne sont plus que des empêchés de presse
et que je le plains. Mais si malgré tout, il veut quand
même le faire, je lui dirais qu’il faut qu’il
fasse comme j’ai toujours fait, à savoir qu’il
y a même de belles choses dites par des gens de grand talent
et qu’il ne faut pas les laisser se perdre au passage et
qu’il faut dès maintenant commencer à les
compiler parce que le jour viendra où il tournera la page,
au moins il aura rapporté lui aussi quelque chose au sport
qu’il aime. |
Propos recueillis
par Marc ISKENDERIAN pour le Groupe Espace Sport...
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