livre

© copyright mediatechnix 2002

Interview : Pierre Salviac

L.S
A la lecture de ce recueil, on prend justement un grand plaisir. On sourit, mais on est également touché par certaines phrases et surtout celles des joueurs eux-mêmes. Vous faites particulièrement bien passé la solidarité entre les joueurs mais aussi la part d’eux-mêmes qu’ils laissent sur le terrain. Par exemple, Alain Paco : « L’ambiance de la mêlée car je mesure combien elle aura été le lien de notre existence et le point de repère de nos trajectoires personnelles. » mais aussi « Un joueur de rugby ne vaut que par l’équipe avec laquelle il joue ». Vous voulez nous apporter un regard neuf sur le rugby, enlever certains clichés ?
P.S.
Non, j’ai voulu remettre ensemble les membres de cette famille extraordinaire qui savait vivre ce sport avec tellement de poésie et je m’étais dit que finalement, les rassembler tous autour d’une table virtuelle qu’est le livre et leur donner à chacun un temps d’expression pour faire passer ce message de solidarité dans un jeu qui n’est vraiment pas comme les autres, c’était une occasion fantastique et si j’ai contribué à mettre ensemble tous ces talents et à valoriser le rugby à travers leurs propos, c’est que j’ai réussi ! En tout cas, je ne serais pas passé de l’état d’effraction à porte dérobée pour rien.
L.S
Robert Paparemborde parle de l’avant-match en détails et c’est comme si on y était. Et pour vous, c’est quoi l’avant-match ?
P.S.
C’est curieux parce que le témoignage de Paparemborde, quand je l’ai lu, il m’a beaucoup intéressé, beaucoup ému. Je précise qu’une citation, ce n’est pas une phrase, c’est quelque chose entre guillemets donc cela peut avoir une certaine longueur. Et là, en l’occurrence, j’ai insisté sur la longueur parce que je me rends compte qu’en trente ans de métier et pourtant proche de l’équipe de France ; le seul moment que je ne connais pas parce que je ne l’ai pas vécu de près, c’est celui là. Donc, le regard qu’il a apporté, la description qu’il en a faite, même pour moi, ça a été une révélation. Cette contribution de Papremborde aujourd’hui décédé, cette période très particulière qui précède le match et que ne connaisse pas plus les journalistes que les supporters, c’était une bonne occasion de la restituer à travers cette citation.
L.S
Est-ce qu’il y a une citation que vous regrettez de n’avoir pu mettre faute de place ou parce qu’elle était un peu crue ?
P.S.
Non, non alors là, la citation que je préfère parce que c’est une grande provocation mais c’est un clin d’œil amical aussi. Un jour, je teste le livre sur Pascal Ondarts, ancien pilier, qui me dit « quand même, tu aurais pu mettre une citation de Jean Condom » qui était deuxième ligne de l’équipe de France et connu pour être un taiseux, c’est le moins que l’on puisse dire, et spontanément, j’ai dit : « au moins dans ce livre, toutes les autres seront vraies, mais une qui ne sera pas vraie et que j’aurais inventé » ; c’est celle de Jean Condom alors j’ai ouvert les guillemets, mis trois points de suspension, j’ai fermé les guillemets et finalement ; je pense que c’est la meilleure du livre parce que c’est celle qui prêtera le moins à discussion mais qui fera sans doute le plus sourire.
L.S
Et si vous deviez qualifier votre livre en quelques mots ?
P.S.
Je dirais que je suis fier d’avoir trouvé cette idée-là. Je sais déjà vu c’est un livre qui ne laisse personne indifférent. Que le compliment qui m’est fait, c’est justement d’avoir redonné à travers ce livre beaucoup de grandeur aux hommes de rugby et donc moi, j’ai l’impression que je ne suis pas passé pour rien grâce à cela. Donc, le vœu que je fais aujourd’hui, c’est que tout le monde se dise : quand on a lu ce livre, on a mieux compris ce qu’est le rugby.
L.S
Est-ce que vous écririez pour un autre sport que le rugby aujourd’hui ?
P.S.
Non, quand j’aurai effectivement tourné la page avec le rugby, quand j’aurai fini de régler mes comptes avec le rugby, je vais dire ça comme ça ; je vais écrire mais des fictions. Peut-être l’une des trois que j’ai en tête aura une part de références avec le rugby, mais ce ne sera quand même pas le corps du délit. En revanche, avant la Coupe du Monde, j’ai le projet d’écrire un livre qui sera une sorte de compilation de toutes les choses inédites qui sont arrivées sur des terrains de rugby lors de matchs internationaux et qui peuvent aller sous forme de questions-réponses comme « Quelle a été la partie la plus longue partie jouée dans un match international ? », qui est d’ailleurs le dernier France-Angleterre de 114 minutes à « Qu’est-ce qui s’est passé d’anormal le jour du match Springbok -Nouvelle-Zélande lors du dernier tournoi des Tri-Nations ? » C’est ce supporter éméché qui rentre sur le terrain et qui s’en prend à l’arbitre et reçoit une gaufre par le troisième ligne Néo-Zélandais. J’essaierai de raconter encore une fois avec des petites histoires, la petite histoire de la grande histoire des matchs internationaux sous forme d’inédits.
L.S
Nous sommes en plein tournoi des VI Nations, la France, malheureusement, ne pourra pas réitérer le Grand Chelem. Trouvez-vous malgré tout le groupe aussi fort que l’année dernière car l’équipe, dans son match perdu contre l’Angleterre, a montré un fort potentiel ?
P.S.
Non, je crois qu’il ne faut pas rêver. Aujourd’hui, le rugby est devenu une mécanique de précision. L’arme fatale, c’est le tir au but. Les trois équipes qui ont gagné le premier week-end du Tournoi avaient des buteurs à 100% de réussite. Dominguez pour l’Italie, Wilkinson pour l’Angleterre, Humphreys pour l’Irlande. Tant que la France ne l’aura pas compris, elle ne pourra pas prétendre faire partie des grands du rugby or aujourd’hui, dans le fonds culturel du rugby en France, on entretient la passe, la mêlée mais aucun joueur, fut-il le plus talentueux des buteurs, passe suffisamment de temps à répéter comme un pianiste les gammes du buteur. Tant qu’on n’aura pas fait ça, on pourra toujours considérer qu’on a la meilleure équipe du monde, oui certainement pour marquer des essais mais certainement pas pour gagner.
L.S
Pensez-vous que l’entrée de l’Italie dans le Tournoi a apporté un plus ou le contraire ? Vous êtes nostalgique du Tournoi des V Nations ?
P.S.
C’est une bonne opération pour les trésoriers, parce que ça fait un match de plus. Eventuellement une bonne opération pour les télévisions, parce que pour le même prix, elles montrent un match de plus. En revanche, quand tout le monde se dit que c’est bien que l’Italie gagne parce que ça donne un peu de piment et un peu d’intérêt au rugby italien, ça lui permettra peut-être de coller au wagon de tête ; faut pas oublier dans le même temps que c’est le Pays de Galles qui se casse la gueule, donc c’est le problème des vases communicants et dans l’état actuel des choses, le Tournoi des VI Nations n’a pas élargi à six nations la valeur internationale du rugby. Donc, pour l’instant, j’ai l’impression qu’à part le trésorier, personne d’autre ne peut être satisfait de cet élargissement du Tournoi.
L.S
Quelles différences voyez-vous dans le rugby pratiqué dans l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud ?
P.S.
La différence, c’est que le rugby a été inventé par les Anglais, amélioré par les Français comme le dit souvent Spanguerro dans mon livre de citations. En revanche, si le rugby a été inventé par les Anglais, donc par l’hémisphère Nord, il est quand même le mieux pratiqué par les Néo-Zélandais donc l’hémisphère Sud. Et de ce point de vue là, ils ont toujours un temps d’avance.

<<Retour   Suite >>