Interview
: Pierre Salviac
L.S |
A
la lecture de ce recueil, on prend justement un grand plaisir.
On sourit, mais on est également touché par certaines
phrases et surtout celles des joueurs eux-mêmes. Vous faites
particulièrement bien passé la solidarité
entre les joueurs mais aussi la part d’eux-mêmes qu’ils
laissent sur le terrain. Par exemple, Alain Paco : « L’ambiance
de la mêlée car je mesure combien elle aura été
le lien de notre existence et le point de repère de nos
trajectoires personnelles. » mais aussi « Un joueur
de rugby ne vaut que par l’équipe avec laquelle il
joue ». Vous voulez nous apporter un regard neuf sur le
rugby, enlever certains clichés ? |
P.S. |
Non,
j’ai voulu remettre ensemble les membres de cette famille
extraordinaire qui savait vivre ce sport avec tellement de poésie
et je m’étais dit que finalement, les rassembler
tous autour d’une table virtuelle qu’est le livre
et leur donner à chacun un temps d’expression pour
faire passer ce message de solidarité dans un jeu qui n’est
vraiment pas comme les autres, c’était une occasion
fantastique et si j’ai contribué à mettre
ensemble tous ces talents et à valoriser le rugby à
travers leurs propos, c’est que j’ai réussi
! En tout cas, je ne serais pas passé de l’état
d’effraction à porte dérobée pour rien. |
L.S |
Robert
Paparemborde parle de l’avant-match en détails et
c’est comme si on y était. Et pour vous, c’est
quoi l’avant-match ? |
P.S. |
C’est
curieux parce que le témoignage de Paparemborde, quand
je l’ai lu, il m’a beaucoup intéressé,
beaucoup ému. Je précise qu’une citation,
ce n’est pas une phrase, c’est quelque chose entre
guillemets donc cela peut avoir une certaine longueur. Et là,
en l’occurrence, j’ai insisté sur la longueur
parce que je me rends compte qu’en trente ans de métier
et pourtant proche de l’équipe de France ; le seul
moment que je ne connais pas parce que je ne l’ai pas vécu
de près, c’est celui là. Donc, le regard qu’il
a apporté, la description qu’il en a faite, même
pour moi, ça a été une révélation.
Cette contribution de Papremborde aujourd’hui décédé,
cette période très particulière qui précède
le match et que ne connaisse pas plus les journalistes que les
supporters, c’était une bonne occasion de la restituer
à travers cette citation. |
L.S |
Est-ce
qu’il y a une citation que vous regrettez de n’avoir
pu mettre faute de place ou parce qu’elle était un
peu crue ? |
P.S. |
Non,
non alors là, la citation que je préfère
parce que c’est une grande provocation mais c’est
un clin d’œil amical aussi. Un jour, je teste le livre
sur Pascal Ondarts, ancien pilier, qui me dit « quand même,
tu aurais pu mettre une citation de Jean Condom » qui était
deuxième ligne de l’équipe de France et connu
pour être un taiseux, c’est le moins que l’on
puisse dire, et spontanément, j’ai dit : «
au moins dans ce livre, toutes les autres seront vraies, mais
une qui ne sera pas vraie et que j’aurais inventé
» ; c’est celle de Jean Condom alors j’ai ouvert
les guillemets, mis trois points de suspension, j’ai fermé
les guillemets et finalement ; je pense que c’est la meilleure
du livre parce que c’est celle qui prêtera le moins
à discussion mais qui fera sans doute le plus sourire. |
L.S |
Et
si vous deviez qualifier votre livre en quelques mots ? |
P.S. |
Je
dirais que je suis fier d’avoir trouvé cette idée-là.
Je sais déjà vu c’est un livre qui ne laisse
personne indifférent. Que le compliment qui m’est
fait, c’est justement d’avoir redonné à
travers ce livre beaucoup de grandeur aux hommes de rugby et donc
moi, j’ai l’impression que je ne suis pas passé
pour rien grâce à cela. Donc, le vœu que je
fais aujourd’hui, c’est que tout le monde se dise
: quand on a lu ce livre, on a mieux compris ce qu’est le
rugby. |
L.S |
Est-ce
que vous écririez pour un autre sport que le rugby aujourd’hui
? |
P.S. |
Non,
quand j’aurai effectivement tourné la page avec le
rugby, quand j’aurai fini de régler mes comptes avec
le rugby, je vais dire ça comme ça ; je vais écrire
mais des fictions. Peut-être l’une des trois que j’ai
en tête aura une part de références avec le
rugby, mais ce ne sera quand même pas le corps du délit.
En revanche, avant la Coupe du Monde, j’ai le projet d’écrire
un livre qui sera une sorte de compilation de toutes les choses
inédites qui sont arrivées sur des terrains de rugby
lors de matchs internationaux et qui peuvent aller sous forme
de questions-réponses comme « Quelle a été
la partie la plus longue partie jouée dans un match international
? », qui est d’ailleurs le dernier France-Angleterre
de 114 minutes à « Qu’est-ce qui s’est
passé d’anormal le jour du match Springbok -Nouvelle-Zélande
lors du dernier tournoi des Tri-Nations ? » C’est
ce supporter éméché qui rentre sur le terrain
et qui s’en prend à l’arbitre et reçoit
une gaufre par le troisième ligne Néo-Zélandais.
J’essaierai de raconter encore une fois avec des petites
histoires, la petite histoire de la grande histoire des matchs
internationaux sous forme d’inédits. |
L.S |
Nous
sommes en plein tournoi des VI Nations, la France, malheureusement,
ne pourra pas réitérer le Grand Chelem. Trouvez-vous
malgré tout le groupe aussi fort que l’année
dernière car l’équipe, dans son match perdu
contre l’Angleterre, a montré un fort potentiel ? |
P.S. |
Non,
je crois qu’il ne faut pas rêver. Aujourd’hui,
le rugby est devenu une mécanique de précision.
L’arme fatale, c’est le tir au but. Les trois équipes
qui ont gagné le premier week-end du Tournoi avaient des
buteurs à 100% de réussite. Dominguez pour l’Italie,
Wilkinson pour l’Angleterre, Humphreys pour l’Irlande.
Tant que la France ne l’aura pas compris, elle ne pourra
pas prétendre faire partie des grands du rugby or aujourd’hui,
dans le fonds culturel du rugby en France, on entretient la passe,
la mêlée mais aucun joueur, fut-il le plus talentueux
des buteurs, passe suffisamment de temps à répéter
comme un pianiste les gammes du buteur. Tant qu’on n’aura
pas fait ça, on pourra toujours considérer qu’on
a la meilleure équipe du monde, oui certainement pour marquer
des essais mais certainement pas pour gagner. |
L.S |
Pensez-vous
que l’entrée de l’Italie dans le Tournoi a
apporté un plus ou le contraire ? Vous êtes nostalgique
du Tournoi des V Nations ? |
P.S. |
C’est
une bonne opération pour les trésoriers, parce que
ça fait un match de plus. Eventuellement une bonne opération
pour les télévisions, parce que pour le même
prix, elles montrent un match de plus. En revanche, quand tout
le monde se dit que c’est bien que l’Italie gagne
parce que ça donne un peu de piment et un peu d’intérêt
au rugby italien, ça lui permettra peut-être de coller
au wagon de tête ; faut pas oublier dans le même temps
que c’est le Pays de Galles qui se casse la gueule, donc
c’est le problème des vases communicants et dans
l’état actuel des choses, le Tournoi des VI Nations
n’a pas élargi à six nations la valeur internationale
du rugby. Donc, pour l’instant, j’ai l’impression
qu’à part le trésorier, personne d’autre
ne peut être satisfait de cet élargissement du Tournoi. |
L.S |
Quelles
différences voyez-vous dans le rugby pratiqué dans
l’hémisphère Nord et l’hémisphère
Sud ? |
P.S. |
La
différence, c’est que le rugby a été
inventé par les Anglais, amélioré par les
Français comme le dit souvent Spanguerro dans mon livre
de citations. En revanche, si le rugby a été inventé
par les Anglais, donc par l’hémisphère Nord,
il est quand même le mieux pratiqué par les Néo-Zélandais
donc l’hémisphère Sud. Et de ce point de vue
là, ils ont toujours un temps d’avance. |
<<Retour
Suite
>>
|