Interview
: Pierre Salviac
L.S
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Vos
expressions sont bien connus et pimentent les matchs. Par exemple,
« C’est vous dire si cet homme sait de quoi il parle
quand il parle avec ses pieds ». Elles ont vraiment un caractère
unique, comment elles vous viennent ? |
P.S. |
«
La cabale est tombée sur le chien, le chien est mort »
, c’est une réflexion que j’ai entendue d’un
supporter un jour dans les tribunes du stade Marcel Delflandre
à la Rochelle, my beloved city. D’autres m’ont
été apportées par des téléspectateurs
qui se sont pris au jeu de ça, comme « La bourrique
a tourné le cul au foin » ou « C’est
pas la queue qui remue le chien ». C’est à
la fois des choses que j’ai entendues ici et là,
comme « le cochon est dans le maïs » qu’un
jour dans les Landes quelqu’un m’a balancé.
J’ai adapté en fait sans le vouloir et je me suis
rendu compte que mon prédécesseur n’avait
qu’une seule expression qui était « Allez les
petits ! » et que moi finalement, j’en ai mis plusieurs
au goût du jour et elles ont marché puisque je me
rends compte a posteriori que les gens s’en amusent donc
on va dire que c’est une signature comme quand Thierry Roland
dit « Ceux là, ils passeront pas leurs vacances ensemble.
» C’est venu comme ça, au fil du temps, entre
ce que j’ai entendu et adapté aux commentaires, ce
que Bala a apporté avec des expressions de patois et gascon
mais là, je ne les comprenais pas donc je me gardais bien
d’intervenir là dedans et puis ce que les téléspectateurs
m’ont apporté aussi. Ils disaient « On va vous
en donner une autre ». Comme j’ai la chance d’être
au contact du public, eh bien, il vient de temps en temps m’en
donner une. |
L.S |
Puisque
nous abordons le sujet des citations marquantes, venons en à
votre ouvrage. Depuis quand en avez vous eu l’idée
et comment vous est-elle venue ? |
P.S. |
C’est-à-dire
que je crois être le premier journaliste à avoir
utilisé la micro-informatique quand elle est arrivée
sur la marché, parce que je m’étais rendu
compte que le système traditionnel d’archives des
journalistes qui était de découper les journaux,
c’était la pire des choses parce qu’on découpait
l’article donc on ne le lisait pas, on le mettait dans un
classeur, ce qui fait que quand on en avait besoin, on ne savait
pas où c’était. Et je découvre à
l’occasion d’un voyage de vacances aux Etats-Unis
la micro-informatique et je me dis « Mais c’est ça
qu’il me faut ! ». Donc à partir de là,
je fais développer un fichier informatique qui correspondait
à mes besoins, pour faire à la fois mes données
statistiques et mes données documentaires. Je n’ai
pas une grande mémoire, en tout cas je ne la cultive pas,
donc j’avais besoin d’un garde-fou. Des fois, on va
voir un joueur puis il n’en sort rien parce qu’il
n’a rien à dire ce jour là, parce qu’il
est fatigué ou mal luné ou parce que je l’ai
mal interviewé etc…donc en fait c’était
mon filet de sécurité. Au fur et à mesure
que je lis des choses intéressantes dites par les uns et
les autres, je les collectionne dans le fichier du joueur. Ce
qui fait que quand je vais le voir après, si un jour ça
mord pas, j’ai au moins un background qui me permet de lui
rappeler des choses qu’il a dites et qui étaient
à son avantage puisque je les gardais. Donc j’ai
entretenu cela pendant vingt-cinq ans. De temps en temps, je les
imprime et les emmène avec moi et , quand je les laissais
traîner sur mon bureau, je voyais les gens qui se foutaient
le nez dedans et ils n’en sortaient pas. Si ça les
intéresse à ce point, autant que j’en fasse
un bouquin, donc j’ai décidé d’en faire
un bouquin. |
L.S |
Est-ce
que vous avez séduit rapidement votre éditeur ? |
P.S. |
En
fait, je l’ai envoyé à dix éditeurs.
Il y a ceux qui m’ont répondu non une première
fois, oui une deuxième fois, ceux qui ne m’ont pas
répondu et celui que j’ai choisi, et qui m’a
choisi et qui était le dernier en fait auquel j’ai
présenté le bouquin. On approchait du Tournoi et
c’est le premier qui m’a dit qu’il serait prêt
pour le Tournoi quand d’autres me disaient, plus prestigieux
comme Laffont, qu’ils seraient prêts plus tard. Donc
je leur ai dit « Vous serez prêt pour le Tournoi,
c’est bien. Mais je ne veux pas que vous m’imposiez
comme Solar des photos dans le bouquin, parce que je veux être
maître du bouquin. Deuxièmement je veux que ce soit
un bouquin beau tout en étant pas cher », parce que
je sais par expérience qu’un bouquin c’est
fait pour être acheté donc il faut que le prix soit
aussi intéressant donc là, c’est le prix d’un
magazine d’informatique, ce n’est pas excessif ; et
je voulais qu’il soit format poche parce que tel qu’il
était dans mon esprit, c’était un livre qu’on
emmenait avec soi, qu’on trimbalait avec soi et qu’on
pouvait sortir à tout moment, qui ne restait pas coincé
dans un rayon de bibliothèque. Il a bien compris l’esprit
du bouquin tel que je le voulais, il l’a complètement
respecté ; et en plus, il m’a fait la surprise de
me faire une très belle couverture avec une couleur très
jolie et surtout avec l’originalité d’une quatrième
de couverture à laquelle je n’avais pas pensée
et qui me semble géniale et je me suis dit « Ce n’est
pas le plus connu de tous les éditeurs mais ce n’est
pas le moins talentueux donc je suis content de m’être
marié avec lui ». |
L.S |
Pourquoi
cette citation de Denis Lalanne en quatrième de couverture
? |
P.S. |
C’est
l’éditeur qui a choisi celle-ci. Il a choisi celle-ci
comme il en aurait choisi une autre. Moi, je me trouvais entre
New York et Sidney, et pour respecter les délais, je n’avais
pas le temps de choisir mais je l’ai trouvée très
bien. Peut-être que c’est celle que j’aurai
choisie de toute façon. Mais c’est surtout l’idée
de mettre tous les auteurs des citations parce que je trouve que
ce livre, ce n’est pas un livre mais une compilation comme
je l’ai appelée ; donc c’est une œuvre
collective, comme une revue de presse et je trouve plutôt
élégant de la part d’un éditeur et
d’un auteur de rendre à César ce qui est à
César. |
L.S |
Dans
l’avant-propos, vous écrivez « Dans ce monde
si particulier, je suis entré un jour par effraction et
je sais que j’en sortirai par une porte dérobée.
» Qu’est-ce que vous entendez par une porte dérobée
? |
P.S. |
Par
effraction déjà, c’est parce que je ne me
suis jamais senti vraiment admis par les autres journalistes de
rugby comme le successeur de Couderc, donc quelque part j’ai
eu l’impression d’être entré par effraction.
Porte dérobée, ça veut dire que le jour où
je choisirai de partir, personne ne le saura avant, il n’y
aura pas une année de roulement de tambour, pas de pot
d’adieu, la page sera tournée point barre. |
L.S |
Pour
votre livre, ce découpage particulier, c’est vous
qui l’avez choisi ? |
P.S. |
Oui,
oui tout à fait. J’ai mis un peu d’ordre là
dedans parce qu’effectivement quand je thésaurisais
ça, je le faisais de manière sauvage et j’ai
essayé de trouver des titres de chapitre qui étaient
susceptibles d’accrocher le lecteur. C’est pour cela
que je dis que je ne suis qu’un astiqueur de virgules parce
que c’est la seule chose que j’ai faite, c’est
de faire les intertitres… et l’avant-propos ! |
L.S |
Parmi
toutes ces citations, y en a-t-il une pour laquelle vous avez
une plus grande affection ? |
P.S. |
Une
plus qu’une autre ? |
L.S |
Si
vous aviez à en choisir une ? |
P.S. |
Si
j’avais à en choisir une…il y en a tellement….
Si je veux faire dans la provoc’, je dirais une de Jean
Pierre Rives « Il y a trois choses inutiles au monde, les
couilles du Pape, les seins d’une nonne et les discours
faits au banquet d’après match. » parce que
c’est tellement vrai et tellement bien vu que ça
m’amuse. Si j’en veux une belle et qui est la synthèse
de ce que je pense être le rugby, c’est une de Lucien
Mias, qui a été donc un de mes consultants pendant
l’année sabbatique de Pierre Albaladejo, qui est
: « Le rugby, c’est le seul sport dans lequel les
hommes se rencontrent, dans les autres ils ne font que se croiser
ou s’éviter. » parce que je crois que ça
résume assez bien l’esprit de ce jeu mais il y en
a tellement. Celle de Lalanne est magnifique aussi mais il y en
a tellement de joueurs… Moi, je trouve que, quand Philippe
Guillard résume le drop goal et de cette manière,
et c’est vrai quand on y pense que « Le drop goal
n’est que l’éjaculation précoce de l’attaque
», il fallait y penser. C’est ce qui me frappe quand
les gens lisent le bouquin aujourd’hui, c’est qu’ils
sont unanimes là dessus en disant qu’ils ne savaient
pas qu’il y avait autant de gens qui pouvaient dire autant
de belles choses sur ce sport. |
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