livre

© copyright mediatechnix 2002

Interview : Pierre Salviac

L.S
Vos expressions sont bien connus et pimentent les matchs. Par exemple, « C’est vous dire si cet homme sait de quoi il parle quand il parle avec ses pieds ». Elles ont vraiment un caractère unique, comment elles vous viennent ?
P.S.
« La cabale est tombée sur le chien, le chien est mort » , c’est une réflexion que j’ai entendue d’un supporter un jour dans les tribunes du stade Marcel Delflandre à la Rochelle, my beloved city. D’autres m’ont été apportées par des téléspectateurs qui se sont pris au jeu de ça, comme « La bourrique a tourné le cul au foin » ou « C’est pas la queue qui remue le chien ». C’est à la fois des choses que j’ai entendues ici et là, comme « le cochon est dans le maïs » qu’un jour dans les Landes quelqu’un m’a balancé. J’ai adapté en fait sans le vouloir et je me suis rendu compte que mon prédécesseur n’avait qu’une seule expression qui était « Allez les petits ! » et que moi finalement, j’en ai mis plusieurs au goût du jour et elles ont marché puisque je me rends compte a posteriori que les gens s’en amusent donc on va dire que c’est une signature comme quand Thierry Roland dit « Ceux là, ils passeront pas leurs vacances ensemble. » C’est venu comme ça, au fil du temps, entre ce que j’ai entendu et adapté aux commentaires, ce que Bala a apporté avec des expressions de patois et gascon mais là, je ne les comprenais pas donc je me gardais bien d’intervenir là dedans et puis ce que les téléspectateurs m’ont apporté aussi. Ils disaient « On va vous en donner une autre ». Comme j’ai la chance d’être au contact du public, eh bien, il vient de temps en temps m’en donner une.
L.S
Puisque nous abordons le sujet des citations marquantes, venons en à votre ouvrage. Depuis quand en avez vous eu l’idée et comment vous est-elle venue ?
P.S.
C’est-à-dire que je crois être le premier journaliste à avoir utilisé la micro-informatique quand elle est arrivée sur la marché, parce que je m’étais rendu compte que le système traditionnel d’archives des journalistes qui était de découper les journaux, c’était la pire des choses parce qu’on découpait l’article donc on ne le lisait pas, on le mettait dans un classeur, ce qui fait que quand on en avait besoin, on ne savait pas où c’était. Et je découvre à l’occasion d’un voyage de vacances aux Etats-Unis la micro-informatique et je me dis « Mais c’est ça qu’il me faut ! ». Donc à partir de là, je fais développer un fichier informatique qui correspondait à mes besoins, pour faire à la fois mes données statistiques et mes données documentaires. Je n’ai pas une grande mémoire, en tout cas je ne la cultive pas, donc j’avais besoin d’un garde-fou. Des fois, on va voir un joueur puis il n’en sort rien parce qu’il n’a rien à dire ce jour là, parce qu’il est fatigué ou mal luné ou parce que je l’ai mal interviewé etc…donc en fait c’était mon filet de sécurité. Au fur et à mesure que je lis des choses intéressantes dites par les uns et les autres, je les collectionne dans le fichier du joueur. Ce qui fait que quand je vais le voir après, si un jour ça mord pas, j’ai au moins un background qui me permet de lui rappeler des choses qu’il a dites et qui étaient à son avantage puisque je les gardais. Donc j’ai entretenu cela pendant vingt-cinq ans. De temps en temps, je les imprime et les emmène avec moi et , quand je les laissais traîner sur mon bureau, je voyais les gens qui se foutaient le nez dedans et ils n’en sortaient pas. Si ça les intéresse à ce point, autant que j’en fasse un bouquin, donc j’ai décidé d’en faire un bouquin.
L.S
Est-ce que vous avez séduit rapidement votre éditeur ?
P.S.
En fait, je l’ai envoyé à dix éditeurs. Il y a ceux qui m’ont répondu non une première fois, oui une deuxième fois, ceux qui ne m’ont pas répondu et celui que j’ai choisi, et qui m’a choisi et qui était le dernier en fait auquel j’ai présenté le bouquin. On approchait du Tournoi et c’est le premier qui m’a dit qu’il serait prêt pour le Tournoi quand d’autres me disaient, plus prestigieux comme Laffont, qu’ils seraient prêts plus tard. Donc je leur ai dit « Vous serez prêt pour le Tournoi, c’est bien. Mais je ne veux pas que vous m’imposiez comme Solar des photos dans le bouquin, parce que je veux être maître du bouquin. Deuxièmement je veux que ce soit un bouquin beau tout en étant pas cher », parce que je sais par expérience qu’un bouquin c’est fait pour être acheté donc il faut que le prix soit aussi intéressant donc là, c’est le prix d’un magazine d’informatique, ce n’est pas excessif ; et je voulais qu’il soit format poche parce que tel qu’il était dans mon esprit, c’était un livre qu’on emmenait avec soi, qu’on trimbalait avec soi et qu’on pouvait sortir à tout moment, qui ne restait pas coincé dans un rayon de bibliothèque. Il a bien compris l’esprit du bouquin tel que je le voulais, il l’a complètement respecté ; et en plus, il m’a fait la surprise de me faire une très belle couverture avec une couleur très jolie et surtout avec l’originalité d’une quatrième de couverture à laquelle je n’avais pas pensée et qui me semble géniale et je me suis dit « Ce n’est pas le plus connu de tous les éditeurs mais ce n’est pas le moins talentueux donc je suis content de m’être marié avec lui ».
L.S
Pourquoi cette citation de Denis Lalanne en quatrième de couverture ?
P.S.
C’est l’éditeur qui a choisi celle-ci. Il a choisi celle-ci comme il en aurait choisi une autre. Moi, je me trouvais entre New York et Sidney, et pour respecter les délais, je n’avais pas le temps de choisir mais je l’ai trouvée très bien. Peut-être que c’est celle que j’aurai choisie de toute façon. Mais c’est surtout l’idée de mettre tous les auteurs des citations parce que je trouve que ce livre, ce n’est pas un livre mais une compilation comme je l’ai appelée ; donc c’est une œuvre collective, comme une revue de presse et je trouve plutôt élégant de la part d’un éditeur et d’un auteur de rendre à César ce qui est à César.
L.S
Dans l’avant-propos, vous écrivez « Dans ce monde si particulier, je suis entré un jour par effraction et je sais que j’en sortirai par une porte dérobée. » Qu’est-ce que vous entendez par une porte dérobée ?
P.S.
Par effraction déjà, c’est parce que je ne me suis jamais senti vraiment admis par les autres journalistes de rugby comme le successeur de Couderc, donc quelque part j’ai eu l’impression d’être entré par effraction. Porte dérobée, ça veut dire que le jour où je choisirai de partir, personne ne le saura avant, il n’y aura pas une année de roulement de tambour, pas de pot d’adieu, la page sera tournée point barre.
L.S
Pour votre livre, ce découpage particulier, c’est vous qui l’avez choisi ?
P.S.
Oui, oui tout à fait. J’ai mis un peu d’ordre là dedans parce qu’effectivement quand je thésaurisais ça, je le faisais de manière sauvage et j’ai essayé de trouver des titres de chapitre qui étaient susceptibles d’accrocher le lecteur. C’est pour cela que je dis que je ne suis qu’un astiqueur de virgules parce que c’est la seule chose que j’ai faite, c’est de faire les intertitres… et l’avant-propos !
L.S
Parmi toutes ces citations, y en a-t-il une pour laquelle vous avez une plus grande affection ?
P.S.
Une plus qu’une autre ?
L.S
Si vous aviez à en choisir une ?
P.S.
Si j’avais à en choisir une…il y en a tellement…. Si je veux faire dans la provoc’, je dirais une de Jean Pierre Rives « Il y a trois choses inutiles au monde, les couilles du Pape, les seins d’une nonne et les discours faits au banquet d’après match. » parce que c’est tellement vrai et tellement bien vu que ça m’amuse. Si j’en veux une belle et qui est la synthèse de ce que je pense être le rugby, c’est une de Lucien Mias, qui a été donc un de mes consultants pendant l’année sabbatique de Pierre Albaladejo, qui est : « Le rugby, c’est le seul sport dans lequel les hommes se rencontrent, dans les autres ils ne font que se croiser ou s’éviter. » parce que je crois que ça résume assez bien l’esprit de ce jeu mais il y en a tellement. Celle de Lalanne est magnifique aussi mais il y en a tellement de joueurs… Moi, je trouve que, quand Philippe Guillard résume le drop goal et de cette manière, et c’est vrai quand on y pense que « Le drop goal n’est que l’éjaculation précoce de l’attaque », il fallait y penser. C’est ce qui me frappe quand les gens lisent le bouquin aujourd’hui, c’est qu’ils sont unanimes là dessus en disant qu’ils ne savaient pas qu’il y avait autant de gens qui pouvaient dire autant de belles choses sur ce sport.

<<Retour   Suite >>