Interview
: Pierre Salviac
L.S
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Petite
anecdote de parcours, en 1982 le fameux France - Koweït,
vous recueillez les commentaires du Cheikh Fahid Al-Ahmad, vous
pouvez nous raconter l’ambiance de ce match ? |
P.S. |
Je
suis rentré en 1976 à Antenne 2 pour prendre la
succession de Roger Couderc qui était prévu pour
1983. En attendant, je faisais un peu de tout et j’avais
été effectivement sélectionné par
Robert Chapatte pour la Coupe du Monde de football en Espagne.
Ce jour là, je suis en train de faire un sujet sur le match
France - Koweït, j’avais déjeuné avec
les koweitis la veille, j’avais fait la connaissance du
Cheikh à ce moment là qui m’avait très
bien accueilli. Et j’étais sur le bord de terrain,
accrédité, car à cette époque là,
il y avait encore des équipes qui pouvaient travailler
sur le bord du terrain, cela aussi a disparu. Et quand l’incident
s’est produit, moi je connaissais l’émir et
lui finalement me connaissait, donc naturellement j’ai amené
mon équipe vers lui. Je l’ai interviewé et
voilà. C’est ce qu’on appelle une des chances
du journaliste, parce qu’il faut de la chance ; car en 1978,
aux Jeux de Munich, quand il y a l’affaire des athlètes
israéliens, là je ne suis pas du bon côté
de l’aéroport, c’est Charles Biétry
qui l’est et qui ramasse tout et moi je n’ai rien
mais cela, c’est souvent la part de chance, encore que pour
qu’il y ait une part de chance dans ce métier, encore
faut il une part de présence. |
L.S |
En
1985, c’est le début de la grande aventure, vous
commentez votre premier match de rugby aux côtés
de Pierre Albaladejo… |
P.S. |
Couderc
fait son dernier tournoi en 1983. Moi je commence avec la tournée
des Australiens en France à l’automne 1984 avec Lucien
Mias, parce que Pierre Albaladejo a pris une année sabbatique.
Effectivement, je commente avec Bala en 1985 où il reprend
du service. |
L.S |
Vous
vous rappelez de ce premier match ? |
P.S. |
Avec
Bala, ça devait être un France - Angleterre. |
L.S |
Et
vous avez déjà réécouté les
commentaires ? |
P.S. |
Au
début, je les écoutais parce qu’il fallait
que je trouve mon style, ma voix. Je savais qu’il fallait
que je fasse tout, sauf du Couderc parce que cela aurait été
une catastrophe. On ne remplace pas Couderc, on lui succède,
donc je suis allé chercher mon école chez le Roger
Couderc anglais qui travaillait de manière complètement
différente qui était Bill McLaren, de la BBC, et
j’ai axé ma stratégie sur le descriptif, le
statistique et l’anecdotique avec l’aide de Bala qui
faisait l’explication de règles et l’explication
de jeu. Je pense, mon ego, dusse-t-il en souffrir, que j’ai
fait école puisque maintenant la plupart des commentateurs
sont plus dans le style Salviac que dans le style Couderc. |
L.S |
En
1999, Pierre Albaladejo tire sa révérence. Il dit
« Avec Roger (NDLR :Couderc) je me suis amusé comme
il n’est pas permis. Avec Pierre, je me suis instruit comme
il n’est pas permis… » C’est un très
bel hommage… |
P.S. |
Oui,
ce n’est pas pour rien qu’il est préfacier
de mon bouquin. |
L.S |
Vous
avez une petite anecdote pour illustrer cette belle amitié
? |
P.S. |
A
un moment donné, je disais par provocation que je passais
plus de temps avec lui qu’avec ma femme. Donc quand est
arrivé le PACS, je pense qu’on aurait du être
normalement les premiers pacsés. Oui, j’ai une anecdote.
J’ai commis l’erreur à un moment donné
lors d’une interview au Midi Olympique de dire « Je
n’aime plus les joueurs du XV de France ». Je voulais
dire par là qu’ils n’étaient plus de
ma génération donc je ne les regardais plus avec
le regard du supporter mais avec celui, détaché,
de quelqu’un qui a une différence d’âge
avec eux et cela a été perçu par les joueurs
comme un affront car ils se sont dits que s’il n’aime
plus les joueurs de l’équipe de France, pourquoi
continue-t-il de commenter leurs matchs. J’ai été
mis en difficulté à ce moment là et j’aurais
pu même être écarté de mon rôle
de commentateur de rugby à la télévision
à cause de cela. Et Bala a dit « Si Salviac est écarté,
moi, j’arrête ! ». Je crois que c’est
l’anecdote la plus forte d’amitié que je peux
avoir avec lui. Après, des anecdotes de « conneries
» en match, oui , on en a fait plein, là il faut
que je fasse un livre. |
L.S |
Est-ce
qu’il y a un match qui vous a le plus marqué avec
lui ? |
P.S. |
Oui,
1987, demi-finale de Coupe du Monde, Australie - France, victoire
de la France, qualification pour la première finale de
Coupe du Monde, essai de Blanco à la fin. Cela avait la
beauté d’une compétition nouvelle et la naïveté
d’une compétition qui démarrait dans un milieu
qui n’était pas encore professionnel ; avec au bout
la réussite de l’équipe de France donc j’avais
le sentiment que j’étais en train de vivre et faire
vivre un moment privilégié. |
L.S |
Est-ce
qu’il y a une grande différence par rapport à
votre association avec Thierry Lacroix aujourd’hui ? |
P.S. |
Quand
Bala a voulu se retirer, c’était en 1998, je lui
ai dit : « Ecoute, ne pars pas tout de suite parce qu’il
faut que je trouve quelqu’un pour te remplacer on ne remplace
pas Bala comme cela_ , donc laisse moi un an de plus. »
Et un jour, on allait au banquet de l’équipe de France
et on parlait comme ça, et je lui dis : « Tu sais,
j’ai entendu accidentellement Thierry Lacroix sur Canal
+ commenter un match en Afrique du Sud, je l’ai trouvé
très très bon, je pense que c’est lui. »
Et Bala me dit : « J’ai entendu, et je pense que c’est
lui. » alors je dis : « Si nous pensons tous les deux
que c’est lui, alors ce sera lui. » Voilà,
cela c’est fait comme ça. Je pense qu’il était
sans le savoir programmer pour être le successeur de Bala.
C’est celui qui en est le plus proche, tout en étant
différent. Mais quelque part, je pense que dans son inconscient,
il a grandi avec la musique de Bala et il a peut-être un
dièse ou un bémol de plus, mais je pense qu’il
est dans la lignée. |
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